image d’archive d’une usine de 78t tirée du docu. Desperate Man Blues.
TOURNE-DISQUES ET MOULINS À PAROLES
Nouvelles rotations du LP vinyle
à l’âge de la dématérialisation des supports
Les disquaires (cf. le documentaire I Need That Record de Brendan Toller, évoqué ici par ailleurs) ne sont pas les seuls à avoir pris une série d’uppercuts économiques, au cours des années 2000, suite au développement de nouveaux modes d’accès à la musique, surtout liés à Internet et au téléchargement. La Médiathèque a aussi été « dans les cordes». Son activité de prêt n’a cessé de baisser de 2000 à nos jours. À tel point qu’en 2007, l’institution a du mobiliser ses membres, gérer un plan de prépensions et d’incitations aux départs volontaires d’une part conséquente de son personnel et renégocier un nouveau contrat programme auprès de ses instances subsidiantes qui, tout en l’amenant à continuer ses activités de prêt, la poussait à endosser plus clairement qu’auparavant de nouvelles missions d’accompagnement, de conseil et de médiation au service de la diversité culturelle. L’article que vous lisez (dans l’édition papier ou web de La Sélec), comme des animations dans les écoles, des « rendez-vous » organisés dans les centres de prêt, des capsules de webradio, des blogs de médiathècaires ou encore le projet Archipel, font par exemple partie de ce nouvel élan à « raconter des histoires » sur les musiques et les cinémas, tissant autant que faire se peut des liens transversaux entre disques, films et jeux et entre styles, époques ou origines géographiques différentes.
S’il n’y avait eu récemment de plus en plus d’articles dans la presse généraliste ou musicale (Le Soir, la couverture de la revue Accroches du Conseil de la musique, une rubrique régulière dans Rock & Folk, etc.), sans oublier des sujets dans les journaux télévisés, le « retour du vinyle » à La Médiathèque au début de l’année 2011 pourrait (encore davantage) surprendre certaines personnes. Mais, même si l’année passée on a vendu dans le monde anglo-saxon plus de platines vinyles que de lecteurs CD ou si certaines grandes surfaces de loisirs implantées en Belgique étendent leur rayon dévolu à ce support, ce n’est pas précisément pour ces raisons macro-économiques là que La Médiathèque tente, en contradiction apparente avec la dynamique globale de dématérialisation et ses propres missions de médiation, de réintroduire une offre ciblée de deux cents albums récents non disponibles en CD. Ce sont bel et bien les histoires à raconter qui motivent, avant tout, l’acquisition de ces disques.
Les documentaires Desperate Man Blues d’Edward Gillan (Sélec d’avril 2008) et I Never Promised You a Rose Garden – David Toop de Guy-Marc Hinant et Dominique Lohlé (Sélec d’octobre 2009) montrent à merveille à quel point une collection de disques peut être, pour celui qui la connait, une richissime réserve de points de départ et de rebonds pour trimballer un auditeur (un public) le long d’un itinéraire de découvertes avant tout musicales, bien sûr, mais aussi sociologiques, historiques, etc. Il est tout à fait possible de développer un discours culturel détaché de son objet (sur des films non vus ou temporairement non visibles, sur des disques non entendus ou provisoirement non ‘écoutables’), mais cela implique, soit un terrain de connaissances préalables partagées, soit un effort d’abstraction relativement exigeant. Il est toujours beaucoup plus parlant de lier discours et possibilité de s’en référer à l’objet évoqué. Et, par rapport à certains genres musicaux récents (notamment le courant de « nostalgie synthétique » évoqué par ailleurs par Benoit Deuxant : James Ferraro, les musiciens du label Olde English Spelling Bee) ou aux parcours de certains musiciens chers à La Médiathèque (Richard Youngs, Paul Metzger, Lee Ranaldo, Radikal Satan, David Grubbs, Greg Malcolm, Giuseppe Ielasi, etc.) se priver du support vinyle serait raconter une histoire avec des trous, construire un puzzle avec pas mal de pièces manquantes. Le LP A New Way To Pay Old Debts de Bill Orcutt (ex-Harry Pussy) qui propose une nouvelle manière, âpre et sauvage, de jouer de la guitare acoustique et qui était « médaille de bronze » du « 2009 Rewind » du magazine Wire, ne sort que dix-huit mois plus tard en CD sur le label Mego. Mais beaucoup de disques « vinyl only » le resteront à jamais.
Les labels et les musiciens belges (Kraak, Metaphon, Sub Rosa, etc.; Ignatz, DJ Elephant Power, Fan Club Orchestra, Half Asleep, Peter Downsbrough + Buffle, etc.) ainsi que les disques enregistrés dans notre pays (Mortagne de Head of Wantastiquet à la Ferme du Biéreau, Brussel Live de Catalogue à Recyclart) sont particulièrement mis en avant. Mais les musiques du monde (e.a. via les compilations de raretés anciennes et les rééditions de disques maliens par le label Mississippi), la chanson française (via quelques « coups de pied dans la fourmilière » proposés par des francs-tireurs tels que Él-G ou Manuel J. Grotesque) ou le jazz (e.a. Joe McPhee, Sunny Murray, Peter Brötzmann, Mats Gustafsson, Chris Corsano, etc.) sont loin d’être oubliés.
Philippe Delvosalle
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> tous les ‘néo-vinyles’ proposés à la médiathèque <
> les ‘néo-vinyles’ en ‘rock’ (rock, pop, électroniques, expérimentaux, etc.) <
> les ‘néo-vinyles’ en jazz <
> les ‘néo-vinyles’ en musiques du monde <
> les ‘néo-vinyles’ en ‘musiques black’ (reggae, dub, blues, hip hop, etc.) <
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